SSC : certains n’ont que ce mot à la bouche. Comme s’il pouvait tout expliquer, tout résumer. A force de réduire et vulgariser, la pratique BDSM perd son sens et n’encourage pas à une réflexion de fond et à l’expérimentation. Je ne suis pas contre le terme SSC, mais très critique envers ceux qui pensent que c’est la seule et sacro-sainte règle qui explique tout. Toujours avec du second degré à divers étages, voici un petit exercice de rhétorique... SSC signifie Safe Sain and Consensual. C’est à dire Sûre, Sain et Consenti. Il est attribué comme principe de base du BDSM pour faire la différence entre une pratique acceptable et les abus. S’attaquer à ce terme vénérable est une prise de risque, mais je souhaite apporter quelques éléments de réflexion. Tout d’abord, c’est un terme anglophone, un acronyme dont sont friands nos amis américains et qui correspond à leur façon de penser : un problème, une solution. SSC fait parti de cette grande famille des résolutions qui paraissent parfaites et qui ont permis à la communauté BDSM de s’épanouir dans les années 80. On trouve son origine dans la communauté gay où, 10 ans plus tôt, les pratiques sadomasochistes se mélangeaient allègrement à une sexualité underground.
Étudions donc le terme SSC. Safe/Sure : c’est le premier mot et déjà là, on bute : qu’est-ce qui est « SÛRE » ? Je suis le premier à dire qu’il faut connaître avant tout les risques de certaines pratiques. Et, bien évidemment, Les risques physiques les plus extrêmes sont définissables et évitables. On peut par contre se poser la question sur les capacités différentes des gens à subir, voire aimer, une grosse dose de douleur, et même se fermer complètement à la souffrance. La fierté d’avoir des marques, de se mettre en danger, poussent certaines personnes à aller très loin. Et je ne parle même pas de séquelles psychologiques. Aucune pratique n’est donc sure car nous nous confrontons à l’humain. J’irais même plus loin : je ne pense vraiment pas qu’il soit nécessaire de marquer au fer rouge, se planter des clous de 10 cm, dépasser les 100 coups de fouets ou d’enfourner un extincteur grand modèle dans un anus pour devenir Bouddha, Yoda, Jesus, Sati, Erasme. Mais force est de reconnaître que certains ascètes indous, soufis et autres fakirs sont reconnus comme sages de par leurs pratiques ascétiques extrêmes. Sane/Sain : on rentre dans le cœur du problème. Par définition, le bdsm est un ensemble de pratiques en marge. Même dans notre monde moderne, le fait d’évoquer les coups de fouet peut paraître malsain face à la mode pédo-psychologique qui affirme qu’il ne faut même pas fesser nos enfants pour leur éviter d’être traumatisés. Comment justifier dans notre culture judéo chrétienne, même laïque, qu’il est sain de saisir une personne par les cheveux et de la traiter de chienne en la faisant ramper ? Ne serait-ce qu’une exhibition d’une jupe trop courte qui dévoile l’absence de culotte est excitante de part la provocation. Freud fut le premier à faire émerger les fantasmes, les envies obscures de l’esprit humain. Le non jugement des pensées qui nous habitent afin de mieux les faire surgir. Mais transformer les pensées en action, est-ce sain ? Nous sommes dans un milieu où nous prônons la réalisation de nos fantasmes les plus profonds afin de toucher une forme de pureté. A l’inverse de notre culture qui nous a classifié comme pécheur et nous fait la liste des interdits. Le mot «SAIN» n’existe pas en réalité. Nous sommes tous des malades. Il y a ceux qui assument et d’autres qui se réfrènent. Nous sommes des malades qui se soignons en vivant nos pulsions. Nous sommes des malades mais pas des détraqués. Consensual/ Consentement : Le grand mot, le plus pernicieux. Et même totalement soutenu par notre loi française : tout est possible à partir du moment où il y a consentement entre personnes ayant atteint la majorité sexuelle. Quelle joli mot bien pourri. Sommes-nous tous conscient de nos envies et limites ? Quel est l’influence des idées d’autrui sur notre comportement ? Certains n’ont-ils pas le désir caché de se faire violer sans leur consentement pour ressentir la peur, l’humiliation ? Le consentement est pourtant essentiel mais ne peut pas être établi comme un fait. Un « oui, je le veux » ne donne pas le droit à un dominant de tout faire jusqu’à l’extrême. Et même ce consentement devrait être parfois être refusé par le dominant qui sentirait qu’il aurait pour racine un traumatisme, un besoin autre que le simple bien être. Et, évidemment, mon cheval de bataille : la manipulation mentale où le but est de faire croire à une personne qu’elle veut ce que l’on souhaite. Alors, oui, le consentement doit être obligatoire mais ce consentement n’est pas objectif. Toujours pas convaincu par le fait que le SSC soit une gageure ? Hé bien sachez que la dénomination a eu ses détracteurs, nombreux sont ceux qui ont préféré le terme RACK : Risk-Aware Consensual Kink (ou Risk Acceptance..) qui s’est imposé à la fin des années 90 et traduit par Connaissance des Risques et Consentement pour une pratique Sexuelle Alternative. Alors que le SSC tentait de faire la différence entre une pratique et les abus possibles. Le RACK, fait passer l’idée que le risque zéro n’existe pas et que le discernement et le consentement doivent se faire en connaissance de cause. C’est comme quand on signe un papier pour dégager de toute responsabilité une attraction dangereuse qui stipule que nous sommes conscient du risque potentiel. Auriez-vous mal à la tête ? Ce n’est pas finit. Car au fil des années, un nouvel acronyme a fait son apparition : PRICK (mot signifiant « piquer » mais qui utilisé vulgairement veut dire connard ou bite) pour Personal Responsibility Informed Consensual Kink. Qui se traduit par Perversion Consentie entre personnes Responsables et Informées. Intéressant, non ? Il y a une dizaine d’années, le terme CCC est apparue : Committed Compassionate Consensual pour Engagement Compassion Consentement qui enlève quasiment toute notion de sécurité et est pratiqué par des personnes désirant une liberté et des sensations extrêmes. Ce sont ceux que l’on désigne par la philosophie TPE (Total Power Exchange) que nous aimons à rapprocher des Goréens du côté du vieux continent. Cette fois, oui, vous avez mal à la tête. Vous comprenez pourquoi beaucoup disent “il n’y a pas UN BDSM mais DES BDSM”. Beaucoup ont essayé de codifier pour comprendre ou aider, mais quand la vulgarisation pointe son nez, le nombre de pratiquants augmente. Puis il y a scission. On voit des groupuscules “puristes” qui veulent se démarquer et qui trouvent le moyen de se radicaliser, tandis qu’une majorité plus soft arrivent par brouette après le visionnage de 50 nuances de grrrrr et achètent des entraves en velcro, des cravaches en plastique chez Decathlon ou au salon de l’érotisme local. Mais je ne vais pas vous laisser sans vous donner connaissance de la dernière variation de la valse des acronymes, datant de 2014, histoire que cet article soit vraiment une punition pour vous : le 4C qui veut dire Caring, Communication, Consent and Caution. En français : Egard, Communication, Consentement et Prudence. C’est mignon et peut s’appliquer à tout couple d’adolescents qui se promènent dans les bois. Donc, si vous faites référence à SSC sachez que vous avez 30 ans de retard mais n’est pas nécessairement pire que les nouvelles façons de voir qui ne résolvent pas le problème de base : comment se faire plaisir, vivre l’intensité d’une relation BDSM en évitant l’abus ? Pensez-vous qu’un acronyme comme une check list protège de tout ? Bien évidemment non. Le BDSM moderne reste à inventer. Une soumise n’est pas qu’une pratiquante d’un sexe alternatif qui peut être perçu comme violent. Le dominant n’est pas obligatoirement un sadique qui a des troubles de l’érection dont seule la vision d’un rôti flagellé entraine la jouissance. La relation bdsm n’est pas qu’une suite d’actions troublantes en marges d’une société bien-pensante qui nécessite d’être policée. Le BDSM n’est pas ce que l’on fait mais ce que l’on vit. Le BDSM est avant tout une relation entre deux êtres qui mettent leurs âmes à nue et s’offrent toute leur énergie, leur savoir, leur expérience, leur endurance. Le BDSM c’est la quête de l’autre, l’envie d’apaisement autant que de vivre plus fort dans une fusion et une compréhension parfaite. La Vie est BDSM depuis des millénaires. Ce n’est qu’une question d’interprétation. Si on me demandait de réécrire les évangiles, je vous affirmerais que Dieu est le premier maître, qu’Adam et Eve n’ont pas voulu d’une vie vanille, que Satan est le premier fouetteur, que Moïse a découvert la femme fontaine en maitrisant les eaux d’une “mère” morte, qu’Abraham est le premier soumis psychologique, que Marie était peut-être vierge mais certainement sodomite tandis que Joseph, à coup sûr, restait voyeur et qu’ils ont donné naissance au premier masochiste : Jésus Christ (mort sur la croix). Nous ne faisons que reproduire ce que les saintes écritures nous suggèrent : aimer, souffrir, ressusciter pour être plus pur, plus fort et bienveillant. Le BDSM c’est l’amour de son prochain. Fouettons nous les uns les autres. La quête d’un absolu ne peut se résumer à 3 ou 4 lettres. Je résume : le BDSM est...une quête. Ethan Dom novembre 2016 P.S : Je fais les traductions moi-même. Ainsi, je préfère “consenti” pour “consensual” dont la traduction directe serait “consensuel” qui me parait trop informel. Je suis ouvert à un linguiste qui me démontrerait mes erreurs. Crédit photo : Indiana Jones et le Temple Maudit (Steven Spielberg - 1984)
2 Commentaires
Ellajenesaisquoi
15/12/2018 00:44:34
Indie et le vilain sorcier ! Une bonne tête de pervers. M'étonnerait pas qu il ait eu du mal à bander celui ci vu le niveau de sadisme ;)
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Ethan
15/12/2018 10:08:33
Ha ne serait-ce pas un raccourci sur la nécessité de pratiques extrêmes pour obtenir une érection ?
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Ethan, adepte du BDSM, dominant, explorant une philosophie humaniste au travers d'une pratique socialement en marge. Archives
Novembre 2023
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